C’est la thèse des démocrates, dont les ancêtres sont Robert Bellarmin et François Suarez : « […] il n’y a pas de raison pour que dans une foule d’hommes tous égaux l’un domine plutôt que l’autre : donc le pouvoir appartient à tous. » [1]

Voici les réfutations de deux grands auteurs de la science politique.

 


Réfutation de Gabriel de Vareilles-Sommières

« Dans cette spéculation métaphysique, on oublie la réalité et l’on déclare tous les hommes égaux. C’est une société civile concrète, ce sont des hommes concrets qu’il faut envisager pour savoir qui peut aspirer à la souveraineté. Or, qui pourrait soutenir que les hommes concrets sont égaux en qualités naturelles, en qualités acquises, et par conséquent en aptitudes et en vocation au gouvernement ?

Sans doute, l’égalité existe fondamentalement entre tous les hommes au point de vue de la nature ; il est faux qu’elle existe au point de vue des qualités qui rendent apte au gouvernement ; et l’on ne peut comprendre comment ceux qui sont impropres à la direction des affaires seraient investis immédiatement par la nature du droit de les diriger. » [2]

 


Réfutation de Marcel de La Bigne de Villeneuve

Il est « fort surprenant de rencontrer sous la plume de penseurs aussi éminents cette bizarre affirmation que, si la souveraineté ne peut appartenir originairement à personne, elle doit, de toute nécessité, appartenir à tous. Il n’y a aucune liaison indispensable entre les deux idées. Rien n’empêche, au point de vue logique de dire : si la souveraineté n’est originairement à personne, elle sera au premier occupant, tout comme n’importe quelle res nullius [chose qui n’appartient à personne, NDLR] ; ou encore, elle pourra légitimement être exercée par ceux que désignent les exigences du bien commun, les plus expérimentés, les plus vertueux, etc. » [3]

 

Bernard de Midelt

 


[1] Robert BELLARMIN, De laic., I, III, ch. VI.

[2] G. de VAREILLES-SOMMIERES, Principes fondamentaux du droit, Paris, éd. Guillaumin 1889, p. 297 et s.

[3] Marcel de LA BIGNE de VILLENEUVE, Traité général de l’État, éd. Sirey 1929, p. 282 et s.